« Mommy... »
« Pas maintenant Leeloo, tu vois bien que je travaille. »
« Mister Cat est tout froid et il bouge plus... »
« Va voir nanny Deb, elle va s'en occuper. »

De chaudes larmes coulaient le long des joues d'une petite fille de 4 ans. Cette petite fille, on aurait dit un ange, avec ses bouclettes brunes et sa petite bouille toute ronde et toute mignonne. D'habitude si pleine de vie, là, on aurait dit que toute joie était partie. Son meilleur ami, Mister Cat, venait de mourir. C'était le meilleur chat du monde, il était tout doux et tout chaud, et il était toujours là pour Leeloo. Avec lui, jamais plus elle ne se retrouvait seule.

« Mommy... Mister Cat, il est parti au ciel ? »

Pour la première fois depuis longtemps, Madame O'Neil regarda sa fille, et elle fut choquée de voir qu'elle pleurait. Comment réagir face à cela ? Elle posa alors une main raide sur l'épaule de sa fille et lui dit d'une voix qui signifiait que la conversation était terminée.

« On te rachètera un autre Mister Cat. »

La petite fille aurait voulu crier que ce ne serait pas Mister Cat, qu'elle ne voulait que lui, mais elle ne voulait pas déranger sa maman, alors elle partit voir nounou Deb, les larmes coulant de plus en plus le long de ses joues, mais toujours sans aucun bruit. Elle ne faisait jamais de bruit lorsqu'elle pleurait. Pourquoi ? Parce que lorsqu'elle faisait du bruit, ça dérangeait sa mère, et elle avait peur qu'elle ne l'aime plus. Elle se disait que peut être que si elle ne l'embêtait pas, alors peut être qu'un jour elle viendrait la voir le soir, ou il lui ferait des bisous.

« Qu'est ce que tu fais Leeloo ? »

La petite fille releva la tête et son regard empli de larmes se posa sur sa nounou. Elle avait le regard que Leeloo aurait voulu retrouver dans celui de sa mère. On y lisait de l'inquiétude, mais surtout, de l'amour. Et cela la fit pleurer de plus belle. Elle caressait Mister Cat qui était dans son panier, toujours aussi froid, mais aussi doux qu'avant.

« Mister Cat est allé retrouver papa au ciel. Comme ça, papa ne sera plus tout seul. »

La petite fille avait toujours compris les choses très rapidement. Et oui, à 4 ans, elle savait déjà ce qu'était la mort. Mais pour faire penser que ça ne la touchait pas plus que ça, elle disait toujours des choses qui pouvaient faire croire qu'elle ne l'était pas, notamment que de raconter que son père ne serait enfin plus seul. Mais n'allez pas croire qu'à 4 ans elle pensait plus aux autres qu'à elle, certainement pas. Enfin évidemment, elle était toujours trahie par les larmes qui coulaient le long de ses joues. Sa nounou s'abaissa alors vers elle et la pris dans ses bras. Les seuls bras qu'elle connu jamais lorsqu'elle était enfant.

« On va aller l'enterrer dans le jardin. Et après, on ira te chercher un autre ami. D'accord ? »
« Tu crois qu'il se souviendra de moi là-haut ? »
« Bien sûr sweetheart. »
« Et toi nanny Deb, tu partiras aussi un jour ? »

Les grands yeux embués de la petite Leeloo regardaient attentivement le visage de sa nounou. Elle avait déjà perdu son meilleur ami, elle ne voulait certainement pas perdre sa nounou.

« Oui. Mais ce sera dans très, très longtemps, alors ne t'en fais pas ! »

Et effectivement, sa nounou la quitta très longtemps après. Mais ce n'était parce qu'elle mourut, non, c'était tout simplement parce que l'année de ses 7 ans, mère et fille quittèrent leur magnifique maison de Tymwyn au Pays de Galle pour aller s'installer à Londres. La mère de Leeloo, trop accablée par la mise en prison de l'homme de sa vie - qui n'était autre que le père de Leeloo bien évidemment - lui avait raconté qu'il était mort, et au bout de quelques années, ne supportant plus de vivre dans la maison où tant de souvenirs la hantaient, elle avait décidé de se rapprocher de Londres, sa ville natale, ainsi que de sa carrière par la même occasion. Plus les années passaient et plus Leeloo ressemblait à son père. Et plus les années passaient, plus Madame O'Neil avait du mal à se retrouver seule avec sa fille. Non parce qu'elle ne l'aimait pas, mais parce que son cœur brisé ne guérissait pas et qu'elle n'arrivait plus à faire un seul pas en direction de sa fille. D'ailleurs, chaque question que Leeloo posait concernant son défunt père restait en suspens, et après une énième altercation avec sa mère, la jeune fille laissa tout simplement tomber. Elle ne saurait certainement jamais qui avait été cet homme. Éduquée à la maison, l'enfance de la jeune fille fut terriblement solitaire, et sa seule consolation était lorsqu'elle était avec son cousin, ou lorsqu'elle s'évadait dans son monde imaginaire. Ce fut lorsqu'elle entra à St David's que Leeloo eut enfin l'impression de vivre. Elle voyait moins son cousin, et ça lui faisait de la peine, mais elle rencontrait enfin des gens, et elle pouvait enfin se heurter à la vraie vie, alors rapidement, son naturel turbulent et excentrique reprit le dessus. Elle voulait croquer la vie à pleine dents.

« Nan mais Leeloo, qu'est ce que tu fais ? »
« Quoi, ça s'voit pas ?! »

Le rire cristallin de la jolie brune s'envola dans les airs. Elle venait tout juste de sauter à pieds joints dans la fontaine qui surplombait un grand parc à la pelouse parfaitement taillée et entretenue. Des gerbes d'eau avaient failli éclabousser sa meilleure amie, et des groupes de jeunes filles s'étaient soudainement retournés, se mettant à fixer Leeloo. Certaines devaient être amusées, d'autres devaient se demander ce qu'il se passerait si la directrice de l'école débarquait à ce moment-là, mais pour sûr que la majorité la méprisaient en se demandant comment elle pouvait ne pas avoir honte de faire ce genre de choses. La jeune fille sautilla jusqu'aux jets d'eau du centre de la fontaine et elle fut mouillée de la tête aux pieds en à peine deux secondes. Elle se retourna alors vers sa meilleure amie et, toujours aussi joyeuse, l'enjoint à venir se baigner avec elle :

« Allé viens on va s'marrer ! Et puis c'est rafraichissant ça fait du bien ! »

Mais alors qu'elle commençait à avoir l'air tentée, son visage se figea dans une expression que Leeloo ne connaissait que trop bien. Et il ne lui fallut pas attendre longtemps pour savoir qu'elle avait raison.

« MISS ST. JAMES ! CE NE SONT PAS DES MANIÈRES POUR UNE JEUNE FILLE ! VEUILLEZ DESCENDRE DE LA IMMÉDIATEMENT ! »

Leeloo ne put empêcher une moue coupable de se dessiner sur ses lèvres. Sa gaieté l'avait totalement quitté, et, les épaules voutées, elle escalada le léger rebord pour se retrouver toute dégoulinante sur le gravier. En face d'elle, la sous-directrice, rouge de colère et d'indignation, se contenta de pointer son doigt vers le bâtiment. Et la jolie brune ne savait que trop bien ce que cela voulait dire : "dans mon bureau, tout de suite !". Et voilà, elle allait encore avoir une colle. A à peine seize ans, la jeune fille avait déjà atteint un palmarès de punition assez impressionnant - surtout lorsque l'on pensait que ce n'étaient finalement pas des fautes si graves comme de mettre le feu, ou d'autres choses auxquelles les "vraies" rebelles de St David's s'attelaient. Non, ici, on brimait son originalité, tout simplement. Car au final pour Leeloo, les seules choses répréhensibles qu'elle faisait était de s'enfuir le soir venu pour aller faire la fête un peu partout où elle pouvait. Mais ça, elle ne s'était fait prendre qu'une seule fois. Pour l'instant.

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