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« Ce soir ... » Ces simples mot, glissé à l'oreille l'air de rien, ne prenant même pas la peine de s'arrêter pour les prononcer. C'était là une façon bien étrange de se donner rendez-vous. Deux amants qui prévoyaient de se retrouver à la nuit tombée pour des heures de folie ? Non, mieux que cela. Le jeune Bradford avait laissé échapper ces deux mots dans la plus simple discrétion, croisant le chemin de miss Sully-Jones un jour de la semaine, entre deux cours. Personne n'avait entendu, seule elle pouvait savoir de quoi il voulait bien parler. Quand on s'apprêtait à enfreindre une dizaine de règles, il valait mieux le faire sans que personne ne le sache ou le devine. La seconde d'après, il avait croisé un surveillant et lui avait adressé un merveilleux sourire, digne d'un élève modèle qui n'était pas sur le point de leur filer sous le nez à la nuit tombée. On appelait cela faire le mur. Au fond, Stefan l'avait déjà fait, à de nombreuses reprises. Si ce n'était pas pour traîner en ville, c'était pour rejoindre sa petite amie. Des nuits tranquilles, il en passait peu finalement dans cette école. Et il avait bien l'intention de continuer à s'amuser jusqu'à ce qu'il quitte l'établissement.

Quant à la personne à qui il avait glissé ces quelques mots, il s'agissait simplement de sa plus fidèle complice. Celle avec qui il adorait partir en ville dans le plus grand des secrets. Sa camarade de jeux si l'on peut dire. Il souriait déjà à l'idée de la retrouver. Ils savaient tous deux où et à quelle heure se retrouver, ils n'avaient point besoin de se le rappeler, ils avaient instauré un rituel pour avoir le moins de contact possible et le moins d'oreilles qui se baladent près d'eux. Les murs ont des oreilles dans ce pensionnat, c'est bien connu. Ils évitaient donc de parler de leurs escapades nocturnes. Plus tôt dans la semaine, ils avaient prévu de se retrouver, et c'était au premier qui avait trouvé le soir idéal de se manifester. Et si Erin n'avait pas été d'accord, elle lui aurait fait savoir par n'importe quel moyen dans la journée. Mais ce n'était pas le cas, ce qui agrandissait le sourire du jeune homme d'heure en heure. Ce soir il s'amuserait, ce soir, il ne se prendrait pas la tête et il pourrait oublier un peu combien l'ambiance au pensionnat pouvait parfois être étouffante. Heureusement que certaines filles étaient là pour mettre l'ambiance. Ce qui était le cas de la jeune fille qu'il rejoindrait le soir même.

Et la journée passa, trop lentement au goût du jeune homme, mais assez rapidement pour que le moment de sortir de son lit arrive. Il enfila une tenue sombre, optant pour un pantalon noir et une chemise blanche ainsi que ses baskets noires. Il se coiffa rapidement, préférant une apparence décontractée et légère. Et c'est ainsi qu'il sortit de son dortoir, prenant garde de ne réveiller aucun de ses camarades. Il se faufila hors des murs de l'école et traversa l'immense parc en de longues enjambées rapides. Il ne fallait pas qu'il se fasse voir et si quelqu'un passait à la fenêtre et prenait le temps de regarde dehors, il pourrait très bien discerner sa mince silhouette qui filait à toute allure. Il essayait donc d'être rapide et invisible dans la nuit noire. Il connaissait ce chemin par cœur, pour l'avoir emprunté de nombreuses fois. Il arriva enfin au lieu de rendez-vous, constatant alors qu'il était le premier arrivé. Il observa autour de lui avant de s'adosser au mur d'un air nonchalant et d'attendre, avec pour seule compagnie la chouette qui semblait donner de la voix dans un arbre voisin. Quelques minutes passèrent avant qu'il n'entende des pas venir vers lui. Il savait qu'elle n'allait pas tarder à approcher. Il eut un sourire, sachant que bientôt, ils seraient libres de faire ce qu'ils voulaient dans le bar du coin.

Quand une silhouette se fit suffisamment proche, le jeune homme alluma son briquet pour signaler sa présence, jeta un œil à sa montre et lança, d'un air ironique.

« Rappelles moi, la prochaine fois, de te mettre au défi d'être à l'heure ! » Tout sourire, plaisantin comme à son habitude, il se détacha du mur avant de regarder au-dessus de lui et de demander. « Bon, c'est au tour de qui de faire la courte échelle à l'autre ? »

Ils avaient, au fil de leurs recherches, trouvés un endroit dans le parc où le mur n'était pas très haut et quelques appuis permettaient à Stefan de s'y glisser sans trop de difficulté. Mais il était toujours galant et aidait volontiers la jeune demoiselle à se hisser au sommet. C'était donc une énième blague de sa part envers la jeune fille qui venait tout juste de le rejoindre. La nuit ne faisait que commencer pour ces deux-là.