" Comment on va pouvoir finir le mois, tu m'expliques Jehan ? On a un gosse, il a besoin de chaussures et d'autres trucs. Tu vois, s'il veut faire une collection de cartes ou je ne sais quoi, il ne pourra pas. Pourquoi ? Car on ne pourra pas lui fournir l'argent. Essaye d'avoir un second travail, je ne sais pas ... " Un silence s'installa dans cette salle faiblement éclairée. A cette époque, j'étais encore un petit garçon, ne comprenant pas les problèmes financiers de mes parents. Bien sûr, je voyais très bien que je n'étais pas gâté comme les autres enfants mais je ne me plaignais pas. Si je m'étais plains, j'aurais eu des problèmes en même temps. Je jouais avec un camion de pompiers avec un rouge qui n'était pus très vif depuis le temps. Je le faisais rouler sur un tapis gris où était installé une table basse avec plein de bières. " C'est plus facile qu'à dire, tu sais. Je rentre déjà super tard, je n'ai plus le temps. J'aimerais avoir une vie de famille, un minimum merci. " Ma mère était désormais vraiment énervée en entendant les mots de mon père. " Tu auras le temps d'avoir une vie de famille quand on sera sous les ponts. Merde, Jehan ! Tu rentres à 18 heures d'un petit boulot minable et après tu regardes ton superbowl ou je ne sais quoi tous les soirs. Tu sais quoi ?! On va annuler le câble, on enlève tout. Ça nous fera 60 euros de plus, tu vois. " Il se mit à souffler et augmenta le volume de la télévision. Ma mère devait avoir l'habitude de parler dans le vide à force. Malgré ça, mon père m'a toujours poussé à travailler dans la vie, je cite " ne finis pas comme nous, Adam, aie un but et atteint le. " Oui, j'avais suivi son conseil au départ. Ils étaient ravis, ravis de mes bonnes notes et de mon comportement. J'étais un petit cœur, un petit ange, tout ce que vous voulez. J'étais le chouchou de la maîtresse, elle était gentille avec moi connaissant mes problèmes familiaux. Parfois, je me demandais simplement si elle n'avait pas seulement pitié. Je ne voulais pas d'une telle réputation où j'étais le pauvre petit avec des parents qui ont pire qu'un crédit sur le dos. C'était donc ça la vie. Être pauvre et avoir la pitié des gens ou on était riche et tout le monde vous enviait. Puis, vers mes dix-sept ans, ma vie prit un grand tournant. Alors que je rentrais de l'école, je vis ma mère, inerte sur le divan. Elle avait avalé une tonne de comprimés, ma mère s'était suicidée. J'ai eu beau la secouer, pleurant toutes les larmes de mon corps pour voir si son cœur battrait à nouveau en voyant ma tristesse. Je criais de toutes mes forces pour voir si elle finirait par entendre ma détresse. Elle nous avait abandonné, non, elle m'avait abandonné. Mon père fut choqué, secoué mais je ne sais pas il n'en parlait jamais. Il ignorait le suicide de ma mère. Les repas furent silencieux jusqu'à mon départ. Mon père n'avait pas parlé. Du coup, je m'étais trouvé une autre compagnie: ma meilleure amie Faye.

Je composais un sms à cette dénommée Faye. " Yo. Je peux passer chez toi ?! " J'étais mal, je n'arrivais pas à sortir le suicide de ma mère de ma tête. Je devais oublier et je devais en parler. Mon père agissait comme s'il s'en fichait. Pas moi. Loin de là. " Oui, bien sûr. " me répondit-elle deux minutes après. J'étais désormais en route vers sa maison à quelques patés de maison. Je soufflais, allumant une cigarette. Oui, je m'étais mis à fumer depuis son départ. J'étais un peu nerveux et déjà honteux de me montrer comme ceci devant ma meilleure amie. Elle n'allait pas se moquer, certes mais je ne sais pas, j'ai horreur de montrer mes sentiments. Je passais par la fenêtre - comme un voleur - . Elle m'attendait, elle était en chemise de nuit. " Alors que se passe-t-il, Adam ? Depuis quand tu oses me déranger alors que je mettais du vernis sur mes ongles de pieds ?! " Elle se mit à rire, un rire qui se voulait décontracté. Je lui fis un simple sourire avant de lui rétorquer. " Tu as horreur de mettre du vernis sur tes ongles de pieds, ma jolie. " " Ma jolie ?! Tu es bourré ? " " Non. Ne t'inquiète pas. " Elle tapota sur son lit, pour que je m'installe à ses côtés. " Faye, écoute. Je ne sais pas vraiment comment je peux dire ça. C'est morbide. C'est enfin, pas génial pour l'ambiance. " " N'aie pas peur, dis le moi. " " Ma mère s'est suicidée. " Elle me regarda, choquée et je sentis à son regard une pitié. Cette foutue pitié que je ne voulais pas. " Ne me regarde pas comme ça, j'ai horreur de la pitié. " " Je suis sincèrement désolé Adam, je te le jure. " Elle souffla et caressa mon dos. Elle me prit finalement dans ses bras. " Si tu as besoin, tu le sais, je suis là. " Je la regardais dans les yeux avec un faible sourire. " J'enchaîne les problèmes, n'est-ce pas ?! " " Ce n'est pas de ta faute. Tu veux dormir ici, cette nuit ?! " " Je ne veux pas te déranger. " " Tu ne me dérangeras jamais, Adam. " Après une longue soirée de discussions, on s'était endormi comme des bébés. Elle m'avait réconforté comme personne ne l'avait fait avant. Même avant de dormir, elle m'avait déposé un baiser sur mes lèvres. Un simple baiser pour me donner du courage. A l'époque, ce n'était pas un simple baiser, ça signifiait tellement plus. Je ne l'oublierais jamais.

Désormais, mon déménagement a bouleversé toute ma vie. Depuis, je suis un véritable tocard, tentant d'oublier mon caractère d'avant et même ma vie. J'ai pris ce poste de surveillant, je ne le regrette pas. Désormais, j'arrive à mettre de l'argent de côté. Je joue avec les femmes, je joue avec le feu. Je sais du n'importe quoi et je m'en moque. Toute façon, on va tous crever alors autant profiter.

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