L'impossible m'a toujours attiré. Je ne veux pas tomber dans ces habitudes. Dans ce train-train quotidien qu'est l'amour. Moi, je veux quelque chose d'exceptionnel. Quelque chose d'inhabituel.



Il était assis en face d'elle dans un silence de mort, ils n'avaient pas besoin de mots pour se sentir bien ensemble. Il admirait ses belles prunelles en se disant que jamais il n'avait vu un bleu aussi magnifique mais, que le regard de la belle demoiselle perdait toute sa beauté en comparaison au magnifique sourire qu'elle abordait. Il était amoureux de son sourire, de ce petit signe qui lui montrait qu'elle était bien, qu'elle était heureuse et quand elle était à ses côtés, ce sourire ne la quittait jamais. Rafaël, jamais Dylan n'aurait pu prétendre avoir le droit de connaître un homme tel que lui, il était son meilleur ami et elle était bien incapable de passer de lui. Elle le connaissait depuis qu'elle avait atteint ses dix ans et elle en avait à présent quinze. En définitive, cela faisait cinq ans qu'elle était amoureuse de lui sans jamais oser lui parler d'amour. Elle avait peur de briser cette amitié si magique qu'il y avait entre eux. Elle refusait de prendre le risque de ne plus sentir ses mains se poser délicatement sur ses hanches avant de sentir ses lèvres sur son cou pour y déposer un baiser qui la ferait frissonner. Si elle venait à perdre celui qui la faisait sourire jour et nuit, elle ne s'en remettrait pas alors, elle avait fermé à double tour la porte de son coeur et jeté la clé dans le ravin le plus profond qu'elle avait trouvé afin de taire cet amour qui lui semblait impossible.

« Eh au fait avec Jonathan ? » La jeune demoiselle cligna des yeux, il l'avait totalement sorti de ses pensées et elle ne s'était pas attendue à ce qu'il l'interroge à ce sujet si bien que sa bouche avait pris la forme d'un "o" l'espace d'une fraction de seconde. Jonathan, c'était le meilleur ami de Rafaël et il en pinçait pour la jolie blonde sans savoir que cette dernière n'avait d'yeux que pour le beau jeune homme qui se tenait à ses côtés. « Oh euh... il est sympa... » Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle pouvait lui dire parce qu'elle avait horreur de parler d'amour et qu'il s'il insistait elle allait finir par lui dire qu'elle ne ressentait rien pour Jonathan parce que c'était lui qui hantait ses jours et ses nuits. S'il continuait elle allait lui avouer qu'elle était amoureuse de lui depuis qu'il lui avait demandé un stylo, il y a cinq ans et elle n'avait pas le droit de dire ça. Elle n'avait pas le droit d'être aussi faible et de tout foutre en l'air. Elle ne pouvait pas être aussi égoïste. « Il est sympa mais... » Il s'était rapproché d'elle afin de la prendre dans ses bras et caresser ses cheveux, il n'aimait pas forcer la confidence mais, en voyant la bouille de son amie et surtout en voyant son petit sourire qu'il aimait tant disparaître il n'avait pas pu s'empêcher de s'inquiéter, il voulait savoir ce qui n'allait pas. « Rien, enfin, je veux dire tu me connais. J'ai pas envie d'une relation, on a quinze ans, on va pas se prendre la tête avec un truc aussi compliqué que l'amour quand même ? J'ai pas envie de m'engager. » Rafaël sera la belle contre lui, déposant un doux baiser dans crinière blonde sans savoir qu'elle n'avait pas dit toute la vérité.

Rafaël avait toujours vu Dylan comme une meilleure amie, elle était celle à qui il pouvait tout confier. Il la connaissait par coeur et il pouvait tout faire, tout partager avec elle. La blondinette était différente de toutes les filles qu'ils connaissaient et elle surpassait chacune des femmes qui avait une place dans sa vie. Elle était plus importante que n'importe qui et par conséquent, elle avait une grande importance dans sa vie. Depuis peu, il était incapable d'être heureux s'il ne la voyait pas au moins une fois dans la journée. Mais, depuis peu il avait surtout réalisé a quel point elle était magnifique aussi bien physiquement que mentalement, il avait remarqué à quel point elle ensoleillait sa vie quand il apercevait la joie au fond de ses yeux et il avait pris conscience qu'il voyait son sourire à chaque fois qu'il fermait les yeux. Il était amoureux de sa meilleure amie sans oser lui dire, sous prétexte que leur amitié était plus précieuse que n'importe quoi. Sans le savoir, les deux adolescents passaient à côté de ce qui aurait pu être la plus belle histoire de leur existence.

Et j'ai du mal. Du mal à faire le deuil de tout ce que nous n'avons pas été, de tout ce qu'on aurait pu être.

Les cloches sonnaient et le regard sombre de la jeune Gibson se posait sur le sol, les larmes recommençaient à faire leur apparition sans qu'elle ne puisse rien y faire. « Viens dans mes bras. » Sans attendre un instant, Dylan se jeta dans les bras de son grand frère qui resserra automatiquement son emprise comme pour la protéger du monde extérieur. Il détestait la voir ainsi, le teint pâle, les yeux remplis de larmes sans la moindre trace de vie pour autant. Il ne supportait pas sa tenue si noire et cette peine qui prenait possession de son corps. Il avait toujours été très proche de sa petite soeur, il était le seul membre de sa famille à la comprendre alors forcément, quand le malheur la foudroyait de plein fouet, il souffrait avec elle. « Il n'est pas mort, dis-moi qu'il n'est pas mort. » C'était ignoble, elle ne pouvait pas lui demander de dire une telle chose. Il était partagé entre ce qu'elle voulait entendre -soit un mensonge- ou ce qu'il devait lui dire, la vérité. Sa frangine venait de perdre son meilleur ami mais, bien plus encore, l'homme qu'elle aimait silencieusement et elle lui demandait de l'aider à se plonger dans le déni ? Non, il ne pouvait pas, parce que même si ça lui faisait mal, elle devait accepter que l'un des êtres le plus cher à ses yeux avait perdu la vie. « Il est mort Dylan, tu n'y es pour rien. » Elle se mit à pleurer de plus belle au point de tomber à genoux devant la tombe, évidemment, elle pouvait compter sur son frère pour la relever aussitôt. Il pouvait accepter beaucoup de choses mais, qu'elle se laisse abattre, certainement pas. Tomber à genoux, cela signifiait pour lui bien trop de choses, c'était comme si elle déposait les armes et qu'elle suppliait de mourir à son tour.Il savait qu'au fond c'est-ce qu'elle ressentait tant la douleur dans son coeur devait être une plaie béante à laquelle on ajoutait du sel en permanence tout en remuant le couteau mais, il serait toujours là pour la protéger et l'empêcher de sombrer. Alors, elle pouvait pleurer tant qu'elle voulait, prendre le temps qu'il fallait pour se reconstruire et sourire à nouveau à la vie mais, elle n'avait pas le droit d'abandonner. « Pourquoi lui ? Jeremiah, dis-moi, pourquoi lui ? » Elle n'arrivait pas à crier tant les sanglots lui serraient la gorge, la pauvre gamine était totalement bouleversée par un accident stupide dans lequel elle avait perdu une partie d'elle. « Chut, petite soeur. » Il serra plus fortement encore ce petit ange contre lui, caressant les cheveux, essuyant ses larmes, il voulait à tout prix qu'elle se calme. Il n'avait aucune réponse à lui apporter concernant le pourquoi du comment. C'était un accident parmi tant d'autre, une forte pluie, une bestiole sur la route, un dérapage qui finit dans le faussé mais, pourquoi Rafaël avait perdu la vie et pas un autre ? Il n'en savait rien, les choses étaient ainsi faites et rien ne le ferait revenir de toute façon alors, autant cesser les questions idiotes et aider sa petite soeur à accepter l'inacceptable.

Et il fuit. Il fuit entre mes doigts, même quand je serre les poings

« Vous comptiez m'en parler quand ? » Dylan était furieuse, elle faisait de grands gestes et la haine se lisait clairement dans son regard cerné de noir. Son père tenta de lui attraper le bras pour la calmer, un peu mais, l'adolescente le repoussa avec une violence impressionnante pour son petit gabarit. « Nous voulions t'en parler mais, tu sais... » Dylan ne voulait pas entendre un mot de plus venant de la bouche de cette femme qui n'était d'autre que sa mère. « St David est un excellent pensionnat, ouais je sais ! Mais, tu ne me connais pas ! Tu ne sais ce qui est bon pour moi ! » La blondinette était hors d'elle si bien qu'elle commença à monter les escaliers afin de rejoindre sa chambre mais, son paternel lui attrapa la manche de justesse. « Dylan... » Une nouvelle fois, l'autorité parentale n'avait pas le moindre effet et la gamine reprit possession de son bras avant de monter dans sa chambre, de claquer la porte sans même prêter attention à ce que son père voulait lui dire.

Monsieur et Madame Gibson n'avaient jamais vraiment compris leur fille. En effet, dès son plus jeune âge la belle blondinette s'était montrée plutôt différente des autres enfants. Tout d'abord, avant d'atteindre ses quatre ans elle n'avait jamais dit un autre mot que « Jeremiah » soit le prénom de son grand frère. Le couple Gibson avait été assez frustré et ils avaient vu bon nombre de spécialistes qui avaient tous rétorqué qu'il fallait laisser la petite Dylan grandir à son rythme. Après tout, « papa » ou « maman » ne sont pas forcément les premiers mots d'un enfant. En réalité, la gamine n'avait jamais vu l'intérêt de parler avant ses quatre ans quand elle avait voulu qu'on lui achète son premier piano. Mais, même en sachant parfaitement parler, Dylan avait rarement de grandes conversations avec ses parents et ses répliques se limitaient à « Hum... » la plupart du temps. Enfin, ce n'était pas cette relation particulière qui avaient poussé les parents de la demoiselle à l'envoyer à St David. Non, c'était son style vestimentaire, de plus en plus court, de plus en plus provoquant et surtout de plus en sombre. De plus, Madame Gibson était tombée sur une chaîne avec une croix satanique ce qui avait horrifié cette femme plus que catholique. Pourtant, il y avait eu pire par la suite, du moins aux yeux de la mère de famille, elle était tombée sur une boite de préservatifs et là, c'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Le couple s'était mis en tête que leur adolescente avait de mauvaises fréquentations et qu'il ne fallait pas la laisser toucher le fond. St David leur avait semblé être la solution parfaite. Évidemment, ils n'avaient pas pensé que Dylan avait besoin d'un nouveau look qui allait avec son changement de comportement parce qu'elle avait perdu son meilleur ami à peine six mois auparavant et que même si elle s'en remettait doucement, cette perte l'avait incroyablement changé. Les deux parents n'avaient pas conscience du fait que cette croix c'était simplement pour exprimer son opinion et cette haine contre la religion parce que la demoiselle n'avait jamais été chrétienne et si elle n'avait rien contre les croyants elle n'était absolument pas d'accord avec l'Église. Ils n'avaient pas envisagés non plus que la boite préservatif était juste au cas où et que la belle blonde l'avait acheté il y a un an pour un pari idiot mais qu'elle n'en avait jamais eu besoin. Non, ils ne connaissaient pas leur fille, ils ne savaient pas qu'elle souffrait encore de la mort de son meilleur ami, ils ignoraient qu'elle n'avait jamais été chrétienne et ils n'avaient pas conscience du fait que Dylan était toujours vierge.

Allongée sur son lit, la musique dans les oreilles, elle sentit le matelas s'affaisser à ses pieds. La blondinette se releva aussitôt, retirant ses écouteurs afin d'écouter ce que son frère avait à lui dire. Qui d'autre que son grand frère pouvait pénétrer dans son univers sans avoir à subir sa colère, sans même avoir à frapper ? Personne, c'est pour ça qu'elle savait d'avance que c'était lui. « Je suppose qu'ils ne t'ont pas laissé le choix ? » Dylan hocha la tête négativement, Jeremiah connaissait bien le fonctionnement de leurs parents et même s'il n'avait aucun problème avec eux, il n'aimait pas non plus cette manie d'agir et de prévenir... après coup. « Je vais devenir folle j'te jure. Encore un pensionnat tu vois j'en ai rien à foutre, au moins je verrais plus leur vieille gueule. Mais, tu vois je vais me retrouver avec une bande de fille et tu sais aussi bien que moi que les minettes, les poupées barbies, les chiennes en chaleur moi j'ai envie de les défigurer. Généralement, j'hésite pas. » Le grand frère ne put s'empêcher de rire, il connaissait sa petite soeur par coeur et depuis toujours, elle avait du mal à s'entendre avec les filles alors forcément, il se demandait comment sa soeur allait faire pour ne pas défigurer toutes les demoiselles du pensionnat. « Sans compter que c'est catho. » Il riait à cette petite réflexion qui lui valut un poing faussement violent dans son épaule. « Pas le peine de me rappeler. » L’un comme l’autre n’osaient pas parler du fait qu’ils seraient séparés parce qu’ils avaient bien trop de fierté pour fondre en larme dans l’immédiat mais, dans leur lit, ce soir, la tristesse seraient bien présente. Il n’imaginait pas lâcher sa petite sœur au milieu d’une jungle de petites minettes sans pouvoir la serrer dans ses bras chaque soir et s’assurer qu’elle va bien. Il ne voulait pas être éloigné d’elle. Dylan avait beau dire qu’il était trop protecteur, elle adorait ça et son affection était plus que vitale. Elle crevait d’avance de savoir qu’elle n’aurait plus son confident le plus précieux à ses côtés à chaque instant du jour et de la nuit. Ils n’étaient pas jumeaux mais leur lien fraternel avait toujours été d’une force incroyable.

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